Durant l'été, l'Echo Républicain invitait ses lecteurs à découvrir les diverses beautés de notre territoire. C'est dans ce cadre que paraissait le mercredi 7 août un article consacré à Epernon. Ayant fait de nombreuses recherches sur l'histoire de notre cité médiévale et les ayant partagées durant deux ans lors des visites guidées, nous étions heureux de répondre aux sollicitations de la journaliste et de parler "du" Epernon que l'on aime tant.
Cet article fut publié dans 2 journaux :
1 : L'Echo Républicain : Épernon, une petite cité au grand caractère - Épernon (28230) (lechorepublicain.fr)
2 : La République du Centre : Épernon, une petite cité au grand caractère - Épernon (28230) (larep.fr)
Être publié dans deux journaux de la région Centre, est une très bonne chose pour le développement d'une ville, à la seule condition que nous la respections comme il se doit, et pas en inventant des faits historiques purement faux ! Dans cet article, j'apporte des preuves solides qui démontrent que ce qui a été raconté pour être publié en août est faux et mensonger.
Malheureusement....
Dès les premières lignes, nous ne comprenions pas l'intervention du maire de la commune. En effet, le maire déclare que « Epernon est l'une des premières villes du département à avoir reçu cette marque » qu'est Petite Cité de Caractère. Il eut été pourtant plus juste de dire que nous étions LA première ville d'Eure-et-Loir à recevoir ce label.
Pourquoi ne pas le clamer haut et fort ? Pourquoi même ne pas être fier d'avoir été pendant 4 ans, de 2017 à 2021 la seule commune du département labelisée ? Enorgueillissons-nous ! Nous sommes donc peut-être un peu plus chauvin que l'édile de la commune qui, n'habitant pas Epernon, n'a sans doute pas la même attache.
Sparnoniens d'adoption, nous avons choisi de poser nos valises ici et de vivre au cœur de cette belle cité médiévale, entourés de ses belles demeures, de ses monuments historiques et auprès des habitants qui la font vivre.
La suite de l'article, encore plus gênant, nous faisait bondir ! Eric Roynel, chargé de communication à la communauté de communes des Portes euréliennes d'Ile-de-France (comme c'est écrit dans l'article, puisque c'est ainsi qu'il se présente !), induit en erreur le lecteur. Celui-ci affirme que « Hugues Capet a fait construire son château, sur l'actuel plateau de la Diane, une ville fortifiée a également vu le jour ». Non !
Après avoir transformé une simple tour ( celle du 22 rue Bourgeoise, datant probablement de la seconde moitié du XVIIe siècle sous Louis XIV que du moyen-âge ) renfermant l'ancien escalier de l'Auberge dite du "Grand Dauphin" en fauconnerie des seigneurs de Montfort, voici qu'il attribut la paternité du château d'Épernon à Hugues Capet. Sous Louis XIV, Louis XV et Louis XVI, ces rois étaient plus veneurs que fauconniers.
En atteste cette carte ci-dessous prise en photo lors d'une visite guidée d'Epernon que nous avons faite le dimanche 18 juin 2023. Le 22 rue Bourgeoise est entouré d'un cercle blanc où est mentionné dessus "Fauconnerie". FAUX ! Cette tour escaliers n'a toujours été qu'un escalier d'un bâtiment où vécu le Grand Dauphin (fils de Louis XIV). Dans cette tour se trouve une arquebusière, non de défense, mais d'apparat. ce bâtiment est devenu ensuite l'auberge du Grand Dauphin.
Même Jean-Paul Duc, historien de la ville, en parlait, d'ailleurs, lors de ses visites guidées en 2014 :
Photo des cartes présentées lors des nouvelles visites guidées depuis 2023
Et pourquoi pas Charlemagne ou Clovis tant que nous y sommes ?!
Comment peut-on raconter des faits historiques complètement faux dans la presse laissant des traces à vie par des écrits ? L'histoire d'une ville, c'est son identité, son essence, ce qui fait ce qu'elle est aujourd'hui et ce pourquoi vous venez vous y installer. Et c'est parce que l'histoire d'Epernon n'est pas respectée qu'on en arrive à des dérives historiques.
Mentir sur l'histoire revient au même que d'inviter les gens à aller voir un site qui venait tout juste de passer sous les coups de pelleteuses en juillet 2023 : 👉 Mairie Epernon - Profitez de l'été pour découvrir Épernon, Petite... | Facebook
Revenons à nos moutons. Non ! Le château d'Épernon n'est pas né de la volonté d'Hugues Capet. Non ! N'y ayant jamais mis les pieds, celui-ci fut encore moins son château. Ne le croyez pas, le vrai château de Hugues Capet était à Saint-Léger en Yvelines. Vous pourrez tous vérifier, c'est noté dans tous les livres d'histoire !
Pour les personnes intéressées, je vous invite à lire, plus bas, l'histoire de la construction du château d'Épernon. J'invite également le chargé de communication à la communauté de communes à le faire, cela lui serait bien utile !
Stop au carnage historique !
De plus, dans cet article traitant d'Épernon, nous ne comprenons pas que Eric Roynel s'y présente comme chargé de communication à la communauté de communes. N'est-il pas, avant tout, un élu de la commune en charge des "Petites Cités de Caractère" ? Il me semble que ce doit être l'élu sparnonien, avant tout, qui doit défendre sa commune ? Vous ne croyez pas ?
Après, libre à chacun de répondre à un article de journal en fonction de ses attributions, mais dans ce cas, on se présente comme élu en charge des "Petites Cités de Caractère" et non comme chargé de communication à la communauté de communes.
Dans cette partie historique sur le site de la mairie, il est juste impossible que Hugues Capet et encore moins au XIème siècle puisqu'il était mort. Le donjon, lui, a bien été construit au XIème siècle.
Donc, sur un même site internet, comment les sections historiques peuvent autant diverger ?
Parlons de l'histoire de la gare d'Epernon :
Concernant la gare, notons que, si c'est bien la ville d'Épernon qui fit des pieds et des mains pour obtenir une gare sur cette nouvelle ligne reliant Paris à l'ouest de la France, c'est bien à Hanches qu'elle fut construite.
Ce n'est que des années après l'inauguration de celle-ci que Hanches céda ses terres du Grand-Pont et de la Savonnière après d'âpres discussions, parfois houleuses, avec les élus d'Épernon. Ces échanges donnant lieu à de francs éclats de rire à la lecture des divers conseils municipaux des deux communes.
La gare d'Épernon était donc à l'origine...hanchoise !
La lecture de cet article m'a profondément attristé. Car d'un côté, nous avons un maire qui ne doit pas être assez fier de la commune qu'il administre ou, pire encore, ne donne pas du tout l'impression de la défendre correctement.
Et de l'autre, un élu de la commune préférant se présenter en avançant son poste à la communauté de communes plutôt que son rôle d'élu, et qui une fois de plus invente l'histoire d'Épernon. Pourtant, l'histoire d'Epernon est bel et bien écrite sur le site de la mairie : Au fil du temps - Ville d'Épernon (ville-epernon.fr)
L'histoire de notre cité de caractère est suffisamment riche pour ne pas être romancée et mérite qu'on en soit réellement fiers.
J'aurai préféré parler d'erreurs historiques, car ça peut arriver à tout le monde et dans ce cas, on partage quand même l'article publié dans la presse tout en faisant un erratum sur le sujet à travers les réseaux, et même, pourquoi pas le faire dans la presse. Mais ici, l'erreur n'est pas possible ! Quand on est élu en charge des "Petites Cités de Caractère", qu'on a fait les visites guidées de la ville pendant plusieurs années, même avoir écouté et appris l'histoire aux côtés de Jean-Paul Duc (historien de la ville), qu'on est membre de l'association "Epernon Patrimoine" qui vend les livres historiques sur la ville et qu'on fait les visites de ville pour le contrôle "Petite Cité de Caractère" et pour les nouveaux habitants, on ne peut plus qualifier ça d'erreurs, mais bien de mensonges historiques.
Ce simple article illustre et explique, peut-être, l'inexorable déclin dans lequel Épernon semble sombrer. Il est encore temps de la sauver, j'en suis convaincu, mais pour cela, sans doute faudrait-il de véritables amoureux et habitants d'Épernon à la barre.
LA VERTIBALE HISTOIRE D'EPERNON
L'avènement de Hugues Capet, le 3 juillet 987 est l'une des dates clés de l'histoire de France. Le premier des capétiens est issu d'une puissante famille, les Robertiens, dont certains membres furent élus roi (son grand-oncle, Eudes en 888, son grand-père Robert en 922 et son oncle Raoul en 983). Il va, avec sa descendance « progressivement transformer une autorité contestée en un royaume reconnu, un territoire morcelé en une unité cohérente, une couronne élective en une dynastie légitime. » (1)
Ainsi, afin d'assurer une continuité dynastique, le nouveau Rex Francorum (roi des francs et non de France - celle-ci n'existe pas encore), va associer son fils au pouvoir. Le jour de Noël 987, en la cathédrale Sainte-Croix d'Orléans, Robert est donc acclamé par les francs, couronné et sacré roi par l'archevêque de Reims.
L'ensemble de nos historiens et auteurs locaux s'accordent à dire qu'après avoir associé son fils Robert II au pouvoir, Hugues Capet lui donna la forêt de l'Yveline en apanage. Robert II aurait donc fait édifier les château d'Epernon et de Montfort. (2 et 3)
Nos historiens, d'Emile Ledru à Roger Badaire, en passant par Roger Vasseur ou Jean-Paul Duc se seraient-ils trompés, attribuant à tort l'édification de notre château à Robert II au lieu d'Hugues Capet, comme le raconte Eric Roynel dans l'Echo Républicain ?
Penchons-nous, afin d'y répondre, sur l'histoire des seigneurs d'Epernon et plongeons dans les archives. Parler des seigneurs d'Epernon, c'est bien évidement parler de la saga des Montfort. Le premier à porter le nom de cette prestigieuse famille fut Amaury Ier ( ? - 1053). Mais, comme le souligne Jean-Paul Duc dans le volume 1 de l'Histoire d'Epernon, publié en 2007, « bien que le château de Montfort soit leur chef-lieu féodal, les Monfort résidaient ordinairement au château d'Epernon, tant et si bien qu'Amaury Ier, fils de Guillaume de Hainaut et de la Dame de Nogent, en a pris alternativement le nom avec celui de Montfort. ». (4)
Remontons un peu l'arbre généalogique (5) pour parler du père d'Amaury, Guillaume de Hainaut. Ce dernier va hériter d'Epernon ainsi que de la charge de gruyer de la forêt de l'Yveline épousant vers 990 la dame de Nogent et d'Epernon, veuve d'Hugues de Beauvais. Très peu d'informations nous sont parvenues, néanmoins la Continuation d'Aimoin nous permet d'apprendre qu'il profita d'un conflit pour obtenir le droit de fortifier Montfort, près de Méré.
Citons ici le formidable travail de Raphaël Bijard (6) :
« À la même époque (la fin du Xe siècle), une fille d’Hugues Capet, Hedwige, épouse, Régnier IV de Mons dont la cour de France sert toujours d’appui. Toutes ces décisions renforcent l’alliance des Capétiens avec les Hainaut et cela est nécessaire surtout après les événements de Laon en 993. Le roi montre que, s’il le souhaite, il est en mesure de poursuivre une politique carolingienne d’interventionnisme en Lotharingie.
Plus localement, l’alliance bléso-normande qui commence en 997 et se poursuit au moins jusqu’en 1005 est un sujet qui appellera à la vigilance du jeune roi Robert. Dreux n’est plus source de tension entre Blois et Rouen et le roi compte alors pour assurer sa présence à l’ouest de son domaine sur les Montfort tout comme sur le nouveau comte du palais Hugues de Beauvais qui a un rôle de « vicomte » à Dreux, de seigneur à Nogent et qui a contracté une union matrimoniale vraisemblablement avec une des branches des anciens comtes carolingiens en Drouais, possessionnée autour d’Épernon.
Cette stabilité relative perdure jusqu’en 1008 où surgissent deux crises qui sont toutefois liées : le refus d’Eudes II, veuf, de rendre la dot de Dreux entraîne un nouveau conflit bléso-normand. Foulques Nerra qui était cadenassé par l’alliance préalable et inédite de ces deux grandes principautés territoriales en profite. Il fait assassiner le comte palatin, cousin d’Eudes II, qui tentait de rapprocher à nouveau le roi et Berthe au détriment de Constance, cousine du comte angevin.
C’est alors que Guillaume récupère Épernon et la charge de forestier royal en s’unissant vraisemblablement avec la veuve de Hugues de Beauvais, seigneur de Nogent. Le Continuateur d’Aimoin de Fleury (dans la version germanopratine la plus archaïque) nous dit : "... in tempore Regis Roberti benia [= Beynes] fuit de dominio San Germani. Ipse firmavit Montifortem et Sparnomum : quandam quoque dominam de Novigento [dame de Nogent] habuit uxorem." ».
Extrait du manuscrit latin 12711 (F. 169va-b), partant d’un texte d’Aimoin. Les sections blanches ou grattées, que l'on voit clairement devait probablement référence à Guillaume de Hainaut.
Si, quelques passages de ce texte, extrait du manuscrit laron sont manquant et que ces trous furent à l'origine de quelques erreurs d'interprétations, il permet aujourd'hui d'affirmer que c'est bien le roi Robert II, dit le Pieux, qui donna l'autorisation de faire construire les château de Montfort et d'Epernon.
Ainsi, il est totalement faux d'attribuer la paternité du château d'Epernon à Hugues Capet et plus encore d'en parler en disant « son château ». Ce n'est pas non plus son fils qui le fit édifier ! Mais, c'est bien sous le règne de Robert II que son fidèle ami, le comte palatin, Hugues de Beauvais (7) qui fit construire la forteresse d'Epernon.
LOÏC BOUR - DELPY
(1) - Bouvines, La confirmation de la souverainneté, Gaël Nofri, Passés Composés, 2024
(2) – « La forêt Iveline, aujourd'hui la forêt de Rambouillet, faisait partie de l'apanage attribué par Hugues Capet à Robert, son fils lorsqu'il l'associa à la couronne. Celui-ci, pour protéger le château de Saint-Léger qui était sa demeure habituelle, fit élever, aux deux extrémités de la forêt mes forteresse d'Epernon et de Montfort » Le viel Epernon, pages d'histoire locale par un sparnonien, Emile LEDRU, Archives Historiques du Diocèse de Chartres, 1913.
(3) – « L'apanage de Robert, lorsquil fut associé à la couronne, comprenait : Senlis, Beauvais, le Vexin, l'Iveline, contrée boisée qui correspond à la forêt de Rambouillet, et Saint-Léger, le chef-lieu. », Monographie de Hanches (Anchae), Roger Vasseur, Le livre d'histoire 2009.
(4) – Il est nommé Amaury d'Epernon, avec ses fils Simon et Mainier dans l'acte de fondation du Prieuré de Chuisnes par Ives de Courville, vers 1048, Cartulaire du Dunois, 110.
(5) – Retrouvez l'ensemble des seigneurs d'Epernon sur racinesethistoire.free.fr
(6) – Le premier conflit de l'ère capétienne (991 – 996) et sa phase de résolution (début du Xie s.) - leur influence sur la genèse du domaine royal et l'évolution de la cour palatiale, Raphaël Bijard, 4 mai 2020
(7) – Hugues de Beauvais, le Comte Palatin de l'An Mil, Raphaël Bijard, 25 novembre 2018, modifié le 29 décembre 2023
Auteurs à lire sur le sujet : Laurent Theis, Yves Sassier ou encore Florian Mazel
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